17 juin 2025

Avantages d’actionnariat salarié : pas d’indemnisation du salarié en cas de transfert du contrat de travail faisant perdre le bénéfice d’actions gratuites (AGA)

La Cour de cassation tranche de plus en plus de litiges opposant des salariés à leur employeur en matière d’avantages d’actionnariat salarié (le plus souvent des actions ou options attribuées sans contrepartie, dites « gratuites »). Ces derniers temps, elle s’est notamment beaucoup prononcée contre l’inclusion de ces avantages dans les assiettes des indemnités dues lors de la rupture du contrat de travail.

Pour comprendre la question posée ici, rappelons que les dispositifs d’attribution d’actions prévoient généralement une condition de présence dans l’entreprise au terme d’une certaine période (vesting period) pour pouvoir en bénéficier.

Or, en vertu de l’article L. 1224-1 du CT, certaines opérations juridiques entrainent le transfert automatique du contrat de travail du salarié dans une autre entreprise (et le transfert des engagements du précédent employeur au nouveau).

Parallèlement, en droit civil, une condition suspensive est réputée accomplie si le débiteur de l’obligation conditionnelle en a empêché l’accomplissement.

En l’espèce, des salariés transférés dans une société B se sont vu refuser le bénéfice d’actions gratuites attribuées par unesociété A au motif qu’ils n’avaient plus de contrat de travail en vigueur au sein de la société A à la fin de la période d’acquisition. Ils ont demandé la réparation de la perte de chance d’avoir pu bénéficier de ces actions, invoquant la responsabilité de l’employeur, selon eux fautif d’avoir fait échouer la condition de présence.

La Cour de cassation rejette très clairement leur demande. L’avocat général avait conclu en ce sens, considérant que la condition de présence était licite, et que le transfert automatique des contrats de travail s’imposait aux parties, en ce compris à l’employeur, ce qui serait exclusif d’une faute.

Enfin, même si ce n’était pas le sujet dans cette affaire, la Cour enfonce le clou concernant la nature de ces dispositifs en droit du travail :

  • « la distribution d’actions gratuite aux salariés, qui a pour objet de les fidéliser ou de leur permettre de se constituer un portefeuille de valeurs mobilières, ne constitue pas la contrepartie d’un travail et n’a donc pas la nature juridique d’un élément de rémunération ».

  • Et « les actions gratuites de la société mère juridiquement distincte de l’employeur ne constituaient pas une partie de la rémunération mais un avantage distinct, de sorte qu’elles n’avaient pas la nature d’un salaire ».

Lien vers l’arrêt Cass. Soc. « Intel » 18 juin 2025, n° 23-19.748.